vendredi 25 janvier 2008

Vaines polémiques

Les polémiques me fatiguent de plus en plus - elles me lassent. Je comprend qu'on puisse y trouver, en tant que spectateur, une certaine distraction. Comme les match de boxe, ou les jeux du cirque, même si c'est malsain.

Mais, l'invective, est surtout l'expression d'un ego surdimentionné, un peu vain. Clamer sa propre vérité pour transformer sa subjectivité comme une preuve d'objectivité est une escroquerie intellectuelle. C'est dire "nous", en pensant "je".

Je lis beaucoup, plus, depuis quelques mois. Et étrangement, je prend de moins en moins de plaisir à la lecture de la presse, quotidienne ou magazine. Mon seul émoi récent vient de XXI, nouvelle revue rêvéé, ou de la lecture d'un article de Paul Moreira (cf. ci-dessous).

Je suis fatigué - de plus en plus "en dehors de la vie" en quelque sorte. Et c'est bien. Et si parfois - souvent, s'il m'arrive de penser "n'importe quoi", j'essaie de me calmer, d'aller de l'avant et de me contenter de l'essentiel - en tout cas ce que je pense comme important pour moi. Faire la part des choses. Atteindre la sagesse. Arre - n'importe quoi.

mardi 22 janvier 2008

Election 2 de Johnnie To

Je viens de voir Election 2 sur Canal + Cinéma - j'ai beaucoup aimé Election 1 , mais là, je suis sous le choc. Je suis fan. C'est violent, dense, une épure à la Melville avec la violence d'un Scorsese. Sublime, polar ultime.



La guerre selon Charlie Wilson de Mike Nichols

La vie est parfois drôle. Tenez, regardez ceci : ce que le cinéma hollywoodien peut faire de mieux : des stars, un réalisateur auréolé de gloire, une histoire, un mythe...



Puis lisez ceci, ce post de Pau Moreira, Les belles histoires de Hollywood...

Qu'en pensez-vous ? Personnellement, ça me remplit de bonheur... ou de tristesse, c'est selon.

dimanche 20 janvier 2008

Des hommes d'Etat de Bruno Le Maire

Le pouvoir – dans toute sa globalité, est sans doute le plus beau des sujets, celui qui donne le plus de latitude, de source, pour exprimer toute l’âme humaine. ‘Ils ne savent être ni tout à fait mauvais, ni tout à fait bons.’ disait Machiavel, et peut-être est-ce la clé du livre de Bruno Le Maire, Des hommes d’Etat.

Pas à pas, nous voyons des hommes dominés par un quotidien trop lourd, trop complexe pour eux, pour nous, les attaques, le temps, les lobby, ses propres incompétences, le jeu politique (
"coller à la roue de celui qui fait la course en tête, prendre ses distances avec celui qui traîne, laisser la fatigue, la lassitude, les erreurs de stratégie de l’adversaire faire le reste").

Jacques Chirac, à la fin de l’ouvrage, à propos de Dominique de Villepin, dit ceci : « Avec Sarkozy, il est le seul à comprendre. » L’auteur nous indique de fait que « tous les hommes d’Etat, à un moment ou à un autre, ne parlent plus à leur interlocuteur, qui en définitive les indiffère, mais à leur peuple, au reste du monde, à une certaine idée de leur mission dont ils ne sont pas tout à fait assurés, et qu’ils élaborent ou précisent au hasard de leurs discussions. » Comprendre la solitude ultime (cf. l'interview de Giscard chez Mireille Dumas...), l'impossibilité de faire vraiment et complètement le bien de son peuple, puis le renoncement pour pallier, par petites touches, une réalité fuyante ? Comme la mort où il n'y a rien, est-ce cela le pouvoir : il n'y a rien de plus qu'un désert - même pas : le néant.

Au fil des articles de presse, est mis en exergue le statut de normalien de Bruno Le Maire - mais, ajouterai-je, un normalien 'qui sait écrire', trop bien, d'ailleurs. Mais ce n'est pas le moindre des compliments. Nous entrons dans son livre par le quotidien, les dates, les lieux, les jours qui se suivent, se ressemblent parfois, se bousculent, cet l'aller-retour entre les ors de la République et ses propres enfants, dans une chair d'écriture rarement atteinte, fine, presque délicate. Sans doute regretterons nous un manque d'âpreté, de dureté, de violence. Dominique de Villepin : « Dans le fond, à un certain niveau, un homme politique, un homme d’Etat, c’est un noyau d’atomes. Il faut que le noyau soit extrêmement dur pour résister à la pression : les médias, la notoriété, le parlement, les ministres, le cirque. Ne vous y trompez pas : Bush, par exemple, ou Poutine, l’âpreté. Après le cirque, l’âpreté. Il peut arriver un moment où ils dévoilent une partie de leur personnalité, mais sinon, le reste du temps : l’âpreté, le combat. La plupart des hommes politiques n’ont pas de noyau, ils se dispersent. Ou ils ne savent pas prendre de la distance. Regardez Jospin : un type bien, honnête, mais la pellicule était trop fine entre lui et le pouvoir, il prenait tout pour lui. A ce rythme là, on ne tient pas. »

Beau livre. A lire en complément, Les drogués du pouvoir, de Jacques Baguenard. A voir aussi The West Wing sans modération.


samedi 19 janvier 2008

jeudi 17 janvier 2008

La mort blanche d'Olivier Weber


A la fin du livre, un personnage demande à un diplomate : "Ça vous fait quoi, de tirer un trait là-dessus ?" Et l'attaché d'ambassade de Kaboul lui répond, tout en dégustant son vin et son fromage : "Voyons, nous sommes entre gens civilisés, qui plus est dans un monde de barbares, sous-développés. Nous sommes là pour apporter la paix, et de temps à autre le... développement, pardon, j'allais dire l'ordre."

La note de l'auteur, en fin de volume, commence par ces mots : "Ce livre est tiré de faits réels."

Le sujet : l'Afghanistan d'aujourd'hui est le producteur de la quasi-totalité (94%) de l'opium et de l'héroïne dans le monde, soit 450 tonnes pour cette dernière. "Une trentaine de camions, deux convois de marchandises tout au plus en gare de Nice, et avec ça tu pourris la planète." Ce livre explique, démontre et démonte, les mécanismes d'aveuglements, de corruptions consécutifs aux enjeux géo-stratégiques (le retour sous de nouvelles formes du Grand Jeu) des grandes puissances et du big business pétrolier. Parce que tout se tient (pétrole, système financier, fondamentalisme religieux, etc), tous se taisent. Olivier Weber est en colère. Il dénonce, proclame, se donne les outils pour donner à voir : grâce une fiction qui n'en est pas une, il nous rend intelligent, sincèrement. C'est notre monde. La mort blanche est à lire pour comprendre, pour savoir, pour ne plus rien attendre. Indispensable. C'est un effort nécessaire.

(Mon unique bémol cependant : c'est très mal écrit. Mais peut-on encore le lui reprocher - ce n'est ni l'ambition, ni la finalité de l'ouvrage... Dommage néanmoins, parce que toute à sa volonté de trop nous expliquer, le récit, les personnages, la chair du texte s'en trouvent altérés. Et c'est pour cela que John Le Carré est irremplaçable... Mais peu importe.)


Carlos - Big bisous

"Carlos est mort ce matin dans un hôpital parisien où il était soigné, victime d'un cancer foudroyant."

samedi 5 janvier 2008

"Tout ce qui est compris est bien"

Suite à l'expression "excès de curiosité" (que je trouve vraiment très jolie) de Flora dans les commentaires sur mon post intitulé N'importe quoi, je voudrais juste revenir sur cette extrait du Matin des Magicien de Louis Pauwels et de Jacques Bergier. p. 132 de l'édition en Folio. Jacques Bergier parlait ici de l'alchimie, mais ces phrases ont eu un impact sur moi plus important et plus large encore - je cite :

"Ma vocation n'est pas de faire, mais de comprendre. N'est pas de réaliser, mais de voir. Je pense comme mon vieil ami André Billy, que "comprendre, c'est aussi beau que de chanter", même si la compréhension ne doit être que fugitive. Dans sa geole de Reading, Oscar Wilde découvre que l'inattention de l'esprit est le crime fondamental, que l'attention extrême dévoile l'accord parfait entre tous les évènements d'une vie, mais sans doute aussi, sur un plus vaste plan, l'accord parfait entre tous les éléments et tous les mouvements de la Création, l'harmonie de toutes choses. Et il s'écrie "Tout ce qui est compris est bien." C'est la plus belle parole que je connaisse."

Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme de Cormac McCarthy.


La bande annonce du film des frères Cohen résume assez fidèlement le livre, le fil de l’histoire... jusqu'à un certain point, néanmoins. C’est assez étrange comme impression.

Mais le plus important c’est le titre, toute la beauté du livre vient de sa compréhension. Et le plus surprenant, ce n’est pas la violence, accessoire nécessaire, indispensable,
ou l’absence absolue de moralité (ce qui révèle un grand sens moral, paradoxalement), mais le découpage du livre au sens construction et technique cinématographique. Ce n’est pas non plus l’aspect jouissif de voir émerger un personnage comme Anton Chigurh, tueur de parole comparé à la peste bubonique et en quête de la reconnaissance de ses talents, ni même d’apprendre plus que de raison sur les « différents types d’armes de poing et leur maniement » ou « les moteurs automobiles et la conduite des véhicules tout-terrain ».

Non pas - c’est la quasi absence de virgules. Mais aussi de « - » ou de « ; » ou de tous autres éléments de ponctuation à disposition. Seules quelques « , » comme concédées, par-ci par-là. Les phrases commencent par une majuscule, se terminent pas un point. Et c’est là que le miracle de l’écriture opère – l’aridité du style dispense toutes les descriptions, des sentiments, des personnages ou des lieux. Ici, nous n’en avons pas besoin pour être dans le désert, à la frontière du Texas ou du Mexique, nous y sommes de facto, transportés par la rigueur dans des lieux si âpres et si brulants, que tout élément extérieur serait insupportable. L'appréhension du monde commence par le style.

mardi 1 janvier 2008

N'importe quoi

Souvent, des gens, d'autres gens, me disent "tu achètes tout et n'importe quoi !" Ouais, et alors ? Mais finalement, comme je dépense plus que je peux absorber (du genre 1 pour 10 - quand même...), je me justifie donc sur certain de mes derniers achats. Je connais quelqu'un dont la femme a collectionné, fut un temps, les armoires - si, si, les vraies, les normandes et les autres, surtout des antiques, XVIIIe ou XIXe -, alors pourquoi pas les bouquins...

Donc voilà, quelques livres et en une ou deux phrases, le pourquoi de la chose...

Les gens indispensables ne meurent pas, Amir Gutfreund (Gallimard). Pour le titre, tout simplement.

La cage aux lézard, Haren Connely (Buchet Castel). Pour la Birmanie.

Les exécuteurs, Harald Welzer (Galliamard). 4e de couv. " "Je ne suis pas le monstre qu'on fait de moi. Je suis victime d'une erreur de raisonnement." déclare Adolf Eichmann."

La mort blanche,
Olivier Weber (Albin Michel). Pour le trafic de drogue (héroïne), dans l'Afghanistan actuelle.

Les rois écarlates, Tim Willocks (L'Olivier). Parce que c'est Tim Willocks et que j'ai adoré Bad City Blues.

Le dramaturge, Ken Bruen (Gallimard). Pour Ken Bruen, tout simplement. C'est ma détente, l'assurance de décompression, un bon moment, mon bon moment pour repartir. C'est un livre entre deux livres, en quelques sorte. Comme les Tom Sharpe - Outrage public à la pudeur (10/18), dernier ouvrage acheté - seul, auteur qui me fit rire, tout simplement le bonheur de lire, et de rire à la folie...

La marche, E.L. Doctorow
(L'Olivier). Parce que je n'ai jamais lu Doctorow, et que je voulais lire un western.

La dame blanche, Christian Bobin
(Gallimard). Pour Emily Dickinson, un amour de jeunesse...

La magie du cosmos, Brian Greene (Folio).Même si je ne comprend rien de rien à la physique théorique, qu'en mathématique j'ai toujours eu 1 an de retard (je comprenais systématiquement l'année d'après les notions présentées...), dés que je peux, j'achète dans l'espoir de comprendre... Comme quoi.

De la propagande, Noam Chomsky (10/18). Il faut lire Noam Chomsky. Çà lave la tête. Faut y revenir, toujours, dès qu'on le peut.

Twelve bar blues, Patrick Neate. (Intervalles). Pour le jazz. Au source du jazz.

Etc. Etc...

A la recherche de John Ford de Joseph Mc Bride

A la Recherche de John Ford de Joseph McBride est une biographie à l'anglo saxonne - dense, lourde, incroyablement documentée et toujours passionnante.

"Je m'appelle John Ford, je fais des westerns" - John Ford : 4 oscars du meilleur réalisateur, quadruplé jamais égalé ; plus de 130 films, des courts, des longs, des trés longs, des doc., des fictions, de tous genres, de toute ambition ; membre de l'OSS ; irlandais alcoolique - nous pouvons presque résumer son existence par une alternance de tournages compulsifs et de beuveries sur son bateau, au Mexique, lors de tournée mémorable avec John Wayne son expression de l'idéal
- ce qu'il aurait aimé être, représenté - ou Henry Fonda ; mauvais père ; mauvais mari, et, accessoirement, par défaut, sans faire exprès, par inadvertance, génie.

Mais plus que les anecdotes souvent drôles, parfois pathétiques ; plus que les portraits des grands et des petits noms du cinéma de "l'Age d'Or des Studios" - période qui n'exista jamais ; plus que l'analyse des films, des chefs d'œuvre aux films mineurs ; de l'Histoire du cinéma - sincèrement, tout amoureux du cinéma, se doit de lire ce livre - plus que tout ce qui forme "une grande bio", (et que je vous laisse découvrir pour ne rien déflorer), A la Recherche de John Ford est le work in progress d'un homme qui devient à force de convictions, de travail, d'osmose personnelle et totale entre lui et la Nature, le poète d'une nation, d'un peuple - un homme qui crée, cristallise l'âme d'une
mythologie... Une synthèse de ce que voulait devenir les Etats-Unis d'Amérique, avant... avant... la perte de sa propre naïveté.

C'est un livre rare, aux multiples lectures - mais à l'âme identique, un rêve, une métaphore de ce qui reste malgré tout, et de ce qui s'évapore, aussi, de la poésie, du cinéma, de l'Amérique.