dimanche 20 janvier 2008

Des hommes d'Etat de Bruno Le Maire

Le pouvoir – dans toute sa globalité, est sans doute le plus beau des sujets, celui qui donne le plus de latitude, de source, pour exprimer toute l’âme humaine. ‘Ils ne savent être ni tout à fait mauvais, ni tout à fait bons.’ disait Machiavel, et peut-être est-ce la clé du livre de Bruno Le Maire, Des hommes d’Etat.

Pas à pas, nous voyons des hommes dominés par un quotidien trop lourd, trop complexe pour eux, pour nous, les attaques, le temps, les lobby, ses propres incompétences, le jeu politique (
"coller à la roue de celui qui fait la course en tête, prendre ses distances avec celui qui traîne, laisser la fatigue, la lassitude, les erreurs de stratégie de l’adversaire faire le reste").

Jacques Chirac, à la fin de l’ouvrage, à propos de Dominique de Villepin, dit ceci : « Avec Sarkozy, il est le seul à comprendre. » L’auteur nous indique de fait que « tous les hommes d’Etat, à un moment ou à un autre, ne parlent plus à leur interlocuteur, qui en définitive les indiffère, mais à leur peuple, au reste du monde, à une certaine idée de leur mission dont ils ne sont pas tout à fait assurés, et qu’ils élaborent ou précisent au hasard de leurs discussions. » Comprendre la solitude ultime (cf. l'interview de Giscard chez Mireille Dumas...), l'impossibilité de faire vraiment et complètement le bien de son peuple, puis le renoncement pour pallier, par petites touches, une réalité fuyante ? Comme la mort où il n'y a rien, est-ce cela le pouvoir : il n'y a rien de plus qu'un désert - même pas : le néant.

Au fil des articles de presse, est mis en exergue le statut de normalien de Bruno Le Maire - mais, ajouterai-je, un normalien 'qui sait écrire', trop bien, d'ailleurs. Mais ce n'est pas le moindre des compliments. Nous entrons dans son livre par le quotidien, les dates, les lieux, les jours qui se suivent, se ressemblent parfois, se bousculent, cet l'aller-retour entre les ors de la République et ses propres enfants, dans une chair d'écriture rarement atteinte, fine, presque délicate. Sans doute regretterons nous un manque d'âpreté, de dureté, de violence. Dominique de Villepin : « Dans le fond, à un certain niveau, un homme politique, un homme d’Etat, c’est un noyau d’atomes. Il faut que le noyau soit extrêmement dur pour résister à la pression : les médias, la notoriété, le parlement, les ministres, le cirque. Ne vous y trompez pas : Bush, par exemple, ou Poutine, l’âpreté. Après le cirque, l’âpreté. Il peut arriver un moment où ils dévoilent une partie de leur personnalité, mais sinon, le reste du temps : l’âpreté, le combat. La plupart des hommes politiques n’ont pas de noyau, ils se dispersent. Ou ils ne savent pas prendre de la distance. Regardez Jospin : un type bien, honnête, mais la pellicule était trop fine entre lui et le pouvoir, il prenait tout pour lui. A ce rythme là, on ne tient pas. »

Beau livre. A lire en complément, Les drogués du pouvoir, de Jacques Baguenard. A voir aussi The West Wing sans modération.


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