mardi 21 août 2007

Truands de Frédéric Schoendoerffer

Je suis dans une véritable ambivalence vis-à-vis de ce film, et je ne comprends pas pourquoi.

Le film ne fonctionne pas, c'est une évidence. Frédéric Schoendoerffer voulait faire "Microcomos chez les voyous", immerger le totalement, irrémédiablement le spectateur dans cet 'univers parallèle'. Mais, là où le documentaire transcendait la réalité et accédait à la poésie, dans une vérité de choix, de luttes et de doutes, Truands nous plonge dans un abîme de sexe, de violence : rien de plus. Jusqu'à la nausée.

Giancarlo de Cataldo expliqait que, pour Romanzo Criminale, lorsqu'il avait dû choisir entre la dramaturgie et la réalité, il avait toujours fait le choix de la dramaturgie. Je pense que Schoendoerffer voulait faire de même, mais fit le contraire.

Ou bien, plus prosaïquement, tout cela est un problème de budget. Le financement du film devait s'astreindre des pré-ventes des télévisions hertziennes (choix extrêmement courageux d'aller au bout de la logique, de 'ne pas s'arrêter à la porte de la chambre' dans la relation du sexe et de la violence : interdiction au moins de 16 ans clairement assumée, revendiquée). Mais, malgré toute la bonne volonté, malgré tout le talent, cela se voit : je crois qu'il manque trois quart d'heures, pour passer de la réalité à la vérité : un approfondissement des personnages, de leur passé, de leur liens ; que les seconds rôles ne fassent pas oeuvre de figuration ; pour que l'électricité passe des personnages, de leur histoire, à nous, spectateur ; la bande son n'est pas à la hauteur ; etc.

Mais alors, la question se pose : la volonté initiale et assumée de réalisme (sexe et violence) n'a-t-elle pas été, à la toute fin, contre productive ?

Je le répète : je suis dans une réelle ambivalence - peut-être parce que c'aurait pu être un grand film - non, c'aurait dû être un grand film. Lisez la critique en lien : j'aurai pu être d'accord, j'aurai aimé être d'accord, mais je n'y arrive pas. Et malgré tout, le film m'obsède quand même.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Pour ma part je me suis arrêtée après quelques minutes de film. Pas à cause de la violence, etc, mais parce que ça "sonne faux". Je suis une grande fan de Philippe Caubère (en particulier au théâtre), et je le trouve très mauvais dans ce film. On ne s'attache pas aux personnages, on ne saisit pas très bien leurs enjeux... bref, j'ai décroché. Ou plutôt, je n'ai pas réussi à accrocher...

Anonyme a dit…

J'ai de la tendresse pour Frédéric S., surtout à cause de "Scènes de crime", un polar sobre et réellement efficace mais qui s'appuie avant tout sur un script solide, avec un cast (auto-)maîtrisé.

Ses deux films suivants, "Agents secrets" et "Truands", m'ont peu convaincu. Ils souffrent de deux lacunes principales: script bavard et confus, sans réel point de vue et donc intérêt par rapport au sujet, cast improbable et en roue libre.

Cela tend à faire surnager les limites de Frédéric S. qui sont, à mon sens, les suivantes:
- Ce n'est pas un réalisateur inspiré ou inventif. Son approche est très classique, plate, d'aucuns diraient scolaire, et parfois un peu vulgaire (dans "Truands" par exemple, quel est l'intérêt, sur le fond et la forme, de la scène de la perceuse, tirée d'une anecdote véritable? A quoi bon montrer le genou en pleine action, cela tue immédiatement l'effet recherché - voir, par comparaison, la scène de la tronçonneuse dans "Scarface").
- Ce n'est pas un directeur d'acteurs, il donne même l'impression de ne rien avoir à foutre de ses comédiens (Caubère cabotine, Magimel est monolithique et je doute que ce soit fait exprès tant son registre est naturellement limité, le frère de S. est juste improbable et peu crédible - dire que ce dernier est sensé faire comme et se hisser à la hauteur de Joe Pesci dans "Goodfellas" ou "Casino"...).
- Il se laisse trop fasciner par ses sujets et finit par manquer complètement de recul sur ce qu'il doit ou non raconter. Ainsi, tout se termine sur le même plan et perd, par là même, son intérêt.

Frédéric S., comme beaucoup de jeunes réalisateurs français, a la tentation / prétention de l'écriture. Peut-être devrait-il revoir ses ambitions à la baisse et se concentrer sur la réalisation?

"Truands" donc, bof. Comme toi, je ne suis pas d'accord avec l'analyse qui suit ton lien. Elle relève de l'incatatoire plus que de la réalité. Ce n'est pas parce que peu de films du genre sont faits en France qu'il faut les défendre envers et contre tout.

Michel a dit…

Whaoooooo !!!

Anonyme a dit…

Quoi? J'ai écrit une connerie?

;-)

Michel a dit…

Non, non - c'est un peu dur, c'est tout.

Anonyme a dit…

Dur mais... faux?

Michel a dit…

Non, non - je serais moins dur, c'est tout. Il y a quelques beaux mouvements (Franck sortant en pleine nuit, un avion s'envolant dernière lui), une réalité que j'aime bien (le fait que sans Franck (Benoit Magimel) bute Corti (Caubère), par exemple. Ou bien, la première séquence dans la voiture qui me rappele Le Deuxième Souffle de Melville (Gu tue en voiture). Tout ce que tu dis es vrai. Mais il y a quand même une réèlle volonté de faire.

Anonyme a dit…

J'entends et je suis d'accord sur la volonté de faire (d'où ma remarque initiale sur la "tendresse").

Mais mon commentaire s'applique au film comme travail complet - parce que ce c'est ce qui nous est donné à voir - et sur les impressions qu'il m'a laissées. Quelques scènes / séquences qui touchent juste ne suffisent pas, à mon sens, à rattraper l'ensemble.

Je suis, dans le cadre de mon activité, assez souvent confronté à des gens, des acteurs aux producteurs, en passant par les réalisateurs, qui se piquent de m'expliquer comment je dois conter (alors même qu'ils souhaitent travailler avec moi parce que théoriquement, je sais déjà le faire) plutôt que de se concentrer sur ce que eux ont à faire véritablement. C'est un comportement plus répandu qu'on ne croit. Au bout du compte, cela nous donne de nombreux films comme celui-ci où forme et frime semblent primer sur le fond, la narration et les personnages.

Mais tout ceci ne constitue qu'un avis personnel dont la portée et la valeur sont très limités.

Mister Fred a dit…

Je suis assez d'accord avec toi Big Bad Wolf.
Nous avons tendance à trouver des excuses à un film (surtout lorsqu'il est français) parce que nous avons aimé tel ou tel film ou parce que c'est quand même bien qu'un film français ait abordé tel ou tel sujet de telle ou telle façon.

On applaudit la démarche mais à la fin, on a toujours un mauvais film.

Sinon, comment va Michel ?

Michel a dit…

Vous avez raison : toutes vos critiques sont justifiées, je suis même d'accord... Je ressens vraiment la première phrase de mon post : "Je suis dans une véritable ambivalence vis-à-vis de ce film, et je ne comprends pas pourquoi."
C'est assez marrant, non ? Je l'aime bien, moi, ce film. Malgré tout.