jeudi 28 juin 2007

La crise de la fiction, suite et jamais fin...

Suite à mon post de vendredi dernier, Après l'euphorie, la crise de la fiction..., Loup écrivait : "Le problème dépasse donc de loin les seuls diffuseurs / producteurs. Le niveau est faible "à tous les niveaux", si j'ose dire..."

Dans son
dernier post, Matthieu Viala expliquait également ceci :

"Selon le producteur de "Lost", Jack Bender, « Ce n'est pas le financement de la fiction française qui pose problème. Il s'agit plus "probablement d'une question de qualité d'écriture et de production". Pourtant, quand une fiction américaine est dotée d'un budget de près de 4 millions d'euros l'épisode, la Une, la plus dispendieuse, ne verse que 1 million d'euros en moyenne. Autant dire qu'avec un budget quatre fois moins important que celui des fictions Américaines, la fiction Française a de quoi avoir du mal à rivaliser en terme de qualité."

Et Cédric de conclure dans son post daté d'hier - que je vous invite vivement à lire, ainsi que le précédent...


Mais, voilà, plus je réfléchis, plus je cherche la raison profonde, l'intime : un retour à la lettre du Voyant d'Arthur Rimbaud m'est indispensable.

"Je veux être poète, et je travaille à me rendre Voyant : vous ne comprendrez pas du tout, et je ne saurais presque vous expliquer. Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète."

"Je dis qu'il faut être voyant, se faire Voyant. Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant ! - Car il arrive à l'inconnu ! Puisqu'il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l'intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu'il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innombrables : viendront d'autres horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé !"

Alors, voyez-vous, vous avez beau incriminer les méthodes de productions, du budget à l'immixtion des diffuseurs dans les moindres détails... Ou le faible niveau des auteurs, eux-mêmes démotivés, démobilisés, démonétisés... L'Homme s'est perdu, tout simplement, dans tout ce process, ces méthodes, ces discussions, ces détails. Tous, auteurs, diffuseurs, oublient ceci : ce faire voyant, c'est leur devoir, leur fonction, c'est eux, c'est cela, c'est atteindre la masse palpitante de l'humanité, de notre humanité...

Et, aujourd'hui, où est-elle ?

2 commentaires:

AurelieM a dit…

Allez, cette fois c'est moi qui entame le débat...

Je crois que, bien que je considère écrire, quelle qu'en soit la forme comme un art, on ne peut pas comparer le scénario et la poésie (ou la littérature en général). Tout simplement parce que le scénario n'est pas une oeuvre en soi.
Elle a besoin d'être produite pour arriver à son but, ce pour quoi elle a été écrite.
Et l'audiovisuel est une industrie, malheureusement (ou heureusement). On essaie de nous faire croire le contraire, en France, avec cette fameuse "exception" dont nous sommes si fiers et qui sépare clairement art et lois du marché. Et partout où il y a beaucoup d'argent en jeu, et des décideurs multiples qui ont le dernier mot pour dire si telle ou telle histoire verra son aboutissement, il faut faire des concessions. Alors, peut-être qu'écrire dans ces conditions devient un artisanat, et non plus un art ?
Un peu comme un ébéniste qui dirait à un client : "j'ai une idée de meuble, dont les proportions trouveraient toute leur harmonie s'il faisait 2m30 de long".
Et son client lui répondrait : "oui mais là où je veux le mettre, il n'y a qu'1m90"...
Si tu veux le boulot, tu t'adaptes.

La poésie de Rimbaud (même si je suis certaine qu'il était ravi lorsqu'un éditeur le payait, ou de savoir que ses livres étaient lus) n'a pas besoin d'un autre que lui pour exister. Ce qui lui permet cette pratique sans concession, extrême, de son Art...

Je vais peut-être changer de métier, moi ! ;)

AurelieM a dit…

(il faut lire, "même si on essaie de nous faire croire le contraire...")