lundi 16 avril 2007

Manque d'ambition - Et donc ?

"Un critique disait récemment que c'est le genre de film impossible en France. Par manque de compétences, de scénaristes, de réalisateurs... d'argent ? (voir les problèmes de Christophe Gans pour monter ses propres films en France...) Non. D'ambition."

Pourquoi ce manque d'ambition en France ? Parce que l'économie du cinéma français va... trop bien. Je m'explique.

Aujourd'hui, combien de films sont produits en France ? Plus ou moins, 200 - 203 en 2006, pour être exact. Qui finance les films ? La télévision et les aides publiques (directes - CNC, région, Europe ; et indirectes, via les sofica - par l'économie d'impôts qu'engendre l'investissement dans ces structures). C'est à dire que la rentabilité d'un film ne repose pas sur la salle. Si le cinéma a toujours été fait par des gens de cinéma, il était généralement financé par des gens qui n'avait pas un besoin éditorial du programme différent (banquiers, distributeurs, exploitants).

Or, une cassure semble se poursuivre, se confirmer, entre les films à plus de 7 millions d'euros de budget - 67,7% des films produits ; et les autres. En pourcentage, on peut séparer les films en trois catégories :
- Plus de 7 M€ : 67,7%
- entre 4 et 7 M€ : 11,6%
- moins de 4 M€ : 20,6%
Preuve par l'absurde, pour les films au budget compris entre 4 et 5 M€, le pourcentage est de... 3,5%... (Je vous renvoie au rapport annuel du CNC La production cinématographique en 2006.)

On pourrait penser que les films à plus de 7 M€ sont des films ambitieux (décors, costumes, historiques), ou avec des effets spéciaux grandioses, novateurs... (A tire d'exemple, Astérix aux jeux olympiques est déclaré pour 78,07 M€). Non, le principal poste en inflation est le casting. Comme aux USA : plus de moyens dans plus de représentativité par le casting. En parallèle, ce qu'on cherche fondementalement, ce n'est pas le succés en salles (qui est, dans l'économie d'un film, la cerise sur le gateau...), mais de bonnes audiences en prime-time, ou bien la fourniture de programmes (presque) de flux. Pour résumer : plus d'argent dans le casting, moins sur l'écran et plus spécifiquement dans l'histoire, pour espérer un bon audimat ; moins d'investissement pour des films considérés comme des programmes de flux (pourquoi mettre plus d'argent sur ce qui va passer sur Canal+ Cinéma à 23 h 30 ou le lundi matin vers 8 h 45 ?). J'exagère, mais quand même.

En fait, on produit des films couteux, mais au fond peu ambitieux ; ou des films ambitieux, mais aux moyens de plus en plus comptés : de toute façon, on s'en fout, ils feront l'aller-retour sur les écrans et combleront les cases de la grille des programmes. C'est le problème soulevé par la réalisatrice de Lady Chaterley lors de la cérémonie des Césars. A l'autre bout de la chaîne, voire également l'impossibilité par Christophe Gans de monter Rahan. C'est la raison de la réflexion ci-dessus, et des statistiques présentes. La France ne manque ni de talents, ni d'argent, ni d'envie du public - ni même de producteurs de talent (voir le travail de Wild Bunch), mais de financiers qui restent des financiers. Or ceux-ci sont surtout, avant tout, des directeurs de programmes. Eux manquent d'ambition, cette génération-là manque d'ambition pour le cinéma. Et de culture. Mais, ce sont eux, qui possèdent les cordons de la bourse. Voilà pourquoi Sunshine ne peut exister en France - qu'on l'aime ou pas, qu'on préfère Pascale Ferran ou Christophe Gans, l'un n'excluant pas l'autre, on a trop tendance à l'oublier.

La grande question, c'est malgré tout, comment "arrêter de se flageller," car, c'est vrai, "ça ne sert à rien", il faut "se concentrer sur son travail !" (pour reprendre les expressions de Bertrand). Grace au net, à une nouvelles génération, imaginative tant du point de vue des films que des méthodes de production exécutives et délégués ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est qu'il y a un manque - et que ce manque donne une fenêtre d'opportunité.

6 commentaires:

Meichelf a dit…

Bonjour

Ce qui manque je crois c'est la confiance en nous et en l'Autre...c'est certainement aussi notre capacité à lacher prise sur le contrôle et donc à prendre des "risques"....

Mais je crois qu'au fond, tout est lié : on ne fait pas confiance car on n'a pas la maitrise totale des choses donc on ne prend aucun risque ce qui nous conduit à faire des choix étriqués qui nous font peu à peu perdre confiance en nous et en l'Autre...et voilà un cercle vicieux enclenché sauf à changer de point de vue !

Pas simple mais faisable ! :-)

Michel a dit…

Ou alors, trouver des modes de financement alternatifs... Je ne sais pas.

Mister Fred a dit…

On essaye de rationnaliser quelque chose d'irrationel.
Un film qui marche et qui marque est un film qui choque et qui donc ne ressemble à rien de ce qu'on n'a vu auparavant.
Faite une rapide comparaison entre les films français marquants de ces 10 dernieres années et les films US.
Sur les films US, pas mal me viennent à l'esprit : Matrix, Fight Club, 6ème sens, Fils de l'homme (film plus anglais qu'US).
Sur les films français, cela me parait plus limité : en dehors de Amélie Poulain...

Il y a un vrai manque de vision en France, une vision de long terme. C'est vrai en politique, comme au ciné...

Michel a dit…

just do it, Fred, Just do it...

laurie thin** a dit…

Je crois qu'il ne faut pas tout mélanger. Les films français se targuent d'avoir leur créneau, comme la chanson française. Quand un français fait un film "à l'américaine", il est vertement critiqué pour sa faute de goût, réelle, puisqu'en général le résultat est médiocre, voir vraiment raté.
Mais il est faux de dire que les films français sont mauvais ; il y en a des bons, et ils explorent une autre face du cinéma avec plus de délicatesse que ces forts en gueule d'americains. Et puis, côté film d'animation, les français ne sont pas si en retard que ça.
Dernière chose, courrez voir le film allemand "la vie des autres", ce n'est pas du schwarzenegger mais ça vaut vraimetn le détour.

Michel a dit…

Lisez bien mon post - je ne parle pas ici des films français, ce n'est pas de cela dont il s'agit, mais de la façon dont ils sont produits, des modes de décision : de pourquoi des comme "la vie des autres" n'émergent pas.