samedi 17 mars 2007

Pour un "cinéma-monde"


En ce week-end, j'aimerais attirer votre attention sur cet appel lancé par 44 écrivains, et parue dans Le Monde daté du 15 mars 2007, et intitulé Pour un "littérature-monde" en français.
Extraits :
"Ce désir nouveau de retrouver les voies du monde, ce retour aux puissances d'incandescence de la littérature, cette urgence ressentie d'une "littérature-monde", nous les pouvons dater : ils sont concomitants de l'effondrement des grandes idéologies sous les coups de boutoir, précisément... du sujet, du sens, de l'Histoire, faisant retour sur la scène du monde - entendez : de l'effervescence des mouvements antitotalitaires, à l'Ouest comme à l'Est, qui bientôt allaient effondrer le mur de Berlin." (...)
"Puis s'affirmaient, en un impressionnant tohu-bohu, des romans bruyants, colorés, métissés, qui disaient, avec une force rare et des mots nouveaux, la rumeur de ces métropoles exponentielles où se heurtaient, se brassaient, se mêlaient les cultures de tous les continents. Au coeur de cette effervescence, Kazuo Ishiguro, Ben Okri, Hanif Kureishi, Michael Ondaatje - et Salman Rushdie, qui explorait avec acuité le surgissement de ce qu'il appelait les "hommes traduits" : ceux-là, nés en Angleterre, ne vivaient plus dans la nostalgie d'un pays d'origine à jamais perdu, mais, s'éprouvant entre deux mondes, entre deux chaises, tentaient vaille que vaille de faire de ce télescopage l'ébauche d'un monde nouveau. Et c'était bien la première fois qu'une génération d'écrivains issus de l'émigration, au lieu de se couler dans sa culture d'adoption, entendait faire oeuvre à partir du constat de son identité plurielle, dans le territoire ambigu et mouvant de ce frottement. En cela, soulignait Carlos Fuentes, ils étaient moins les produits de la décolonisation que les annonciateurs du XXIe siècle." (...)
"Mais littérature-monde, aussi, parce que partout celles-ci nous disent le monde qui devant nous émerge, et ce faisant retrouvent après des décennies d'"interdit de la fiction" ce qui depuis toujours a été le fait des artistes, des romanciers, des créateurs : la tâche de donner voix et visage à l'inconnu du monde - et à l'inconnu en nous. Enfin, si nous percevons partout cette effervescence créatrice, c'est que quelque chose en France même s'est remis en mouvement où la jeune génération, débarrassée de l'ère du soupçon, s'empare sans complexe des ingrédients de la fiction pour ouvrir de nouvelles voies romanesques. En sorte que le temps nous paraît venu d'une renaissance, d'un dialogue dans un vaste ensemble polyphonique, sans souci d'on ne sait quel combat pour ou contre la prééminence de telle ou telle langue ou d'un quelconque "impérialisme culturel". Le centre relégué au milieu d'autres centres, c'est à la formation d'une constellation que nous assistons, où la langue libérée de son pacte exclusif avec la nation, libre désormais de tout pouvoir autre que ceux de la poésie et de l'imaginaire, n'aura pour frontières que celles de l'esprit.(...)"
La littérature anglo-américaine est devenue plus intéressante que la littérature française ; la littérauture indienne est devenue plus intéressante que la littérature française : la Série Noire est devenue plus intéressante que la collection Blanche.
Pour en revenir à ce qui nous passionne (vous et moi) : le cinéma et l'écriture cinématographique (cinéma, série - peut m'importe la forme) : trouvons, retrouvons de l'ambition, de la folie, l'envie d'emporter la vie par les mots, par les images et le son. Une envie de "cinéma-monde" en quelque sorte, qui englobe et respire, qui "applique au réel les techniques de narration du roman, pour restituer la dimension romanesque du réel".
Le virage est à prendre, une fenêtre s'ouvre - de celle qui s'entrouvre une fois par génération.
C'est là, à porter de main. Et à titre personnel, je veux y aller. La nature a horreur du vide.

2 commentaires:

laurie thin** a dit…

Bien dit !
Moi aussi, faut que je me mette à mon scénar... dès que j'aurais fini les retouches de mon anien film. Pfff, j'en ai marre.

Anonyme a dit…

Je me souviens quand j'ai découvert la littérature américaine, le polar aussi. À la fac, j'ai travaillé sur Paul Auster et à l'époque le prof "spécialiste de littérature anglo-saxonne" ne connaissait pas… Pour que je puisse faire ma maîtrise sur paul Auster, on m'avait demandé d'y associer un auteur français… Et Samuel Beckett est venu sauver mon sujet… Y'avait déjà un air du monde finalement…