lundi 27 août 2007

L’aube le soir ou la nuit, de Yasmina Reza

L’aube le soir ou la nuit, de Yasmina Reza, donc : un regard sur la vacuité, le vide, le sujet et l’écrit. C’est Martine en intellectuel de gauche chez les politiques de droite. J’ai lu cette analogie vacharde je ne sais plus trop où – je l’avais trouvé bien dure : elle n’est que réelle.


J’ai le sentiment de lire certaines légendes des dessins de Sempé – l’auteure écrit comme lui parodie les journaux intimes : G. me dit ceci. Y. me prend à part… (Quelle est cette phobie de n’écrire que les initiales, rarement les noms ?) Le même style, la même volonté des petites choses : mais là où le formidable dessinateur garde une distance emplie de tendresse (plus qu'une illustration reciproque, le texte est un contrepoint de son sujet), Y.R. saute à pieds joints dans le trou noir qu’est N.S. (là encore, j'ai lu çà quelque part, mais où ?) Quel est cet orgueil de n’avancer qu’en cercle d’initié, en clin d’œil appuyé – bref, un Closer ou Voici avec plus de vocabulaire, en somme.




J’avais espéré une campagne, une guerre : la politique, c'est plein de fureur, de sueur, de poussière, de fatigue, de chair - d'humain : ici, ce n’est rien d'autre qu’une longue litanie, qu'un collage de cartes postales achetées à la va-vite – même pas une longue lettre. Elle ne fait pas oeuvre de journaliste - mais fait-elle oeuvre d'écrivain ? Elle se veut rapide, virvoltante : le titre même est sans ponctuation, ne sachant plus si elle se trouve à l'aube le soir ou la nuit. Peut-être aurait-elle dû se poser, un peu, pour écrire, la journée.


Tout cela est trop intellectualisé, pensée : c'est propre, c'est lisse. Et pourtant, ce n’est pas sans intérêts : c’est distrayant, parfois drôle. Ça se lit comme on mange des pop-corn au cinéma, ça remplit à peine une dent creuse, mais c’est sucré. Et ça n'a aucun intérêt autre que celui-ci.

N.S. n'est pas un mystique - lors de son départ, il n'invoquera pas les 'forces de l'esprit' - ni un sentimental - je ne crois qu'il nous dira qu'il nous aime comme le fit J.C. Peut-être nous dira-t-il qu'il a agit, travaillé, parfois avec succès, parfois avec défaites, mais qu'il s'y donna tout entier. La part intérieure restera là, en plan. Au départ, avec ce livre, et sans doute aussi à l'arrivée.

L'idée était belle, la démarche passionnante : mais il y a simplement une inadéquation totale entre l'auteure, le contexte et son sujet. Je ne pense pas que le livre soit mauvais : Yasmina Réza a loupé une occasion historique, belle, et parfaite : c'est pire. Elle n'a pas été à la hauteur, c'est tout.

2 commentaires:

Bertrand Ploquin a dit…

"C’est Martine en intellectuel de gauche chez les politiques de droite. J’ai lu cette analogie vacharde je ne sais plus trop où" : dans le livre lui-même, en fait.
Sinon, je ne suis pas d'accord avec toi ; tu attendais un manifeste politique, mais ce livre n'a jamais eu l'intention d'être politique. Comme le dit l'auteur lui-même : "Je ne cherche pas à écrire sur le pouvoir ou la politique. (...) Ce qui m'intéresse, c'est de contempler un homme qui veut concurrencer la fuite du temps." Et du coup ce carnet de notes comme un bréviaire d'instantané répond plutôt bien à sa promesse.
La déception vient peut-être davantage de ce que tu attendais que de ce qu'elle a écrit ?
Pour les initiales, le livre en comporte, certes, comme il comporte aussi des noms cités en toutes lettres. Respect de la volonté des intéressés de ne pas apparaître autrement ?

Michel a dit…

Bon, pour faire court : 1) je ne crois pas que je l'attendais à un manifeste politique, mais plus à une relation in situe de ce qu'est une campagne - in bed with Madonna mais avec Sarko, en fait. 2) Autre analogie (lue dans Marianne, cette fois) : c'est Marie-Chantal en campagne - suis assez d'accord. Mais, sincérement, le livre est nul - c'est rempli d'occasions manquées, comme ces journalistes qui ne posent pas les bonnes question. Il y a deux/trois passages qui mériteraient à être développés ; ils ne sont qu'effleuré. Oui, vraiment, Laurent Solly (l'auteur de la première analogie) est peut-être dans le vrai : c'est aprés Martine au Ski, c'est Martine fait de la politique. Consternant. Et encore, je me modère.