vendredi 5 janvier 2007

Pour "Un Nouvel Hollywood"

Après avoir expliqué le fonctionnement des Studios américains, René Bonnell donne la conclusion suivante :

« D’essence pourtant artisanale, l’activité de production aux Etats-Unis se vit comme une véritable industrie. Il règne à tous les stades d’élaboration et de commercialisation du produit une grande division du travail (…) Cette situation génère des coûts de production élevée mais a d’heureuses conséquences sur la création. Une série de qualifications très fines interviennent ainsi sur l’un des moments du travail créatif et du processus de fabrication. Alors qu’en France on valorise volontiers une conception totalisante de l’auteur (…) cette approche est moins fréquente aux Etats-Unis où l’on aime découper les tâches de la création en recourant à des compétences extrêmement pointues. (...) Cette division du travail artistique explique en partie, à notre sens, la qualité du cinéma américain. » In La 25e Image, p.559

On a coutume de dire que le cinéma, s’il est un art, c’est également une industrie – ou plus exactement, c’est art nécessitant une industrie. C’est ici particulièrement flagrant – de théorie, nous en lisons la pratique dans le champ lexical utilisé. Les mots "commercialisation", "produit", "division du travail" et "processus de fabrication" côtoient "travail créatif" et "la création". Tout cela se confond dès lors dans l’expression finale : "division du travail artistique".

Les Cahiers du Cinéma de ce mois de janvier, pose la question qui fâche : Produit-on trop de films en France ?
http://www.cahiersducinema.com/article950.html. C’est un article vraiment très intéressant. J’en extrais les phrases suivantes :

« En effet, le phénomène de ruée sur les euros s’aggrave d’une très visible idéologie anti-auteur chez les responsables des télés et leurs fidèles zélotes dans la production mainstream. Les 648 nouveaux millions d’euros annuels ajoutés au financement du cinéma au cours des dix dernières années ne sont jamais pour les artistes. »

Mais le journaliste ne fait pas le rapprochement entre le titre de son article, ce qui précède et son propre constat :
« voilà que la quantité s’est retournée contre la qualité, et l’a détroussée comme au coin d’un bois. »

Loin de moi d’avoir une "idéologie anti-auteur" ou de magnifier le système des studios américain (à revoir le documentaire de Fédéric Benudis, Paris/Hollywood/Paris diffusé en octobre dernier sur Canal +). Mais force est de constater que le cinéma français se meurt de lui-même, d’une logique qui est arrivée à son terme. Et qu’il faut repenser. Comme l’a été le système il y plus de 20 ans et qui sauva le cinéma français.

Finalement, Les Cahiers de conclure : «
Aujourd’hui, les trois quarts de cette somme (74 %) – du compte de soutien - sont affectés à l’aide automatique, ce qui signifie que le compte de soutien renforce automatiquement les produits et les structures qui ont le plus de succès, qu’il travaille à accroître sans cesse la « bipolarisation », la fracture entre l’industrie lourde du cinéma et les voltigeurs de l’innovation artistique. La part dévolue à ces derniers, et qui du seul point de vue économique s’apparente à ce qu’on appelle, ailleurs, « recherche et développement », demeure beaucoup trop faible »

Il se trompe néanmoins dans sa définition, dans son application de la "recherche et développement" – et toute la difficulté est finalement là. La R&D dans l’économie traditionnelle produit des prototypes, qui, une fois validés, seront adaptés en produits. Or, un film est en lui-même un prototype. Dés lors, la transposition de la R&D industrielle au cinéma est un non sens. C’est économiquement irréalisable et irréaliste. Voire dangereux. A mon avis, c’est plus une adaptation pertinente de cette notion qui convient de penser. Une R&D audiovisuelle est plus une recherche au sens scientifique ou informatique - comme dans l'industrie pharmaceutique, l’univers du jeu vidéo, par exemple.

J’ai le sentiment intime que le cinéma tourne en vase clos et que cela l’asphyxie tant dans son expression que vis-à-vis des spectateurs. On dit parfois que Bill Gates n’aurait pas pu s’enrichir en France, que Google n’aurait pas pu exister en France. Pensez-vous que Tarantino aurait pu émerger chez nous ? Je ne le pense pas. Et c’est cela le problème. Pourtant, je suis certain que les talents existent. Ils sont là, palpables - ils sont dans l'air.

Il est déprimant de ne pas aller les chercher, de ne plus savoir les trouver, de ne pas avoir la curiosité intellectuelle de les débusquer… Ou alors que ce soit si dure à produire. J’écrivais il y a une semaine que pour moi, ‘
cycle intime se terminait... Un autre s'ouvre - mais vers où ?’

Wikipedia définit Le Nouvel Hollywood ainsi :
« Le Nouvel Hollywood désigne un mouvement cinématographique américain de la fin des années 1960 au début des années 1980, qui modernisa de façon significative la production de films à Hollywood. Ce cinéma, inscrit dans la contre-culture et influencé par le néoréalisme italien et la Nouvelle Vague française, se caractérise par la prise de pouvoir des réalisateurs au sein des grands studios américains ou majors et la représentation sous une nouvelle radicalité de thèmes alors tabou comme la violence ou la sexualité. Le Nouvel Hollywood renouvella également les genres classiques du cinéma américain (western, film noir) ou les "déconstruisit" en s'affranchissant des conventions de ceux-ci. La période relativement courte du Nouvel Hollywood est considérée comme une des phases les plus importantes du cinéma du point de vue artistique, et révéla de nombreux réalisateurs comme Francis Ford Coppola ou Martin Scorcese » http://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvel_Hollywood
Souvent, on définit Le Nouvel Hollywood par ses réalisateurs (Coppola, Scorcese...), mais notons le début de la définition ci-dessus : "Le Nouvel Hollywood (...) modernisa de façon significative la production de films à Hollywood."
Nous travaillons, un ami et moi-même à concrétiser tout ce que j’exprime à longueur de post – et plus encore, puisque nous sommes deux. Je pense que non seulement un Nouvel Hollywood à la Française est nécessaire, mais qu'il arrive à grands pas. Et nous voulons en être.
Nous en reparlerons la semaine prochaine. Ou pas.

(A noter que je ne pense pas à moi quand je dis « les talents existent ». Quoique, évidement).

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il est temps de passer aux choses sérieuses...
FG

Michel a dit…

Effectivement.