Le chant de la mission, John Le Carré
Attendu que tout livre de John Le Carré doit être lu.
Attendu que John Le Carré est l'un des plus grands auteurs vivants.
Attendu qu'il transcende le roman d'espionnage depuis L'Espion qui venait du froid (1963). De fait, ce n'est pas un auteur de roman d'espionnage.
Attendu aussi que la plupart des journalistes qui expliquent que John Le Carré est l'auteur de la Guerre Froide n'y entendent rien, expliquant même que c'était son "fond de commerce" - c'est à se demander s'ils ne recyclent pas les mêmes phrases, les mêmes critiques depuis quelques livres déjà : n'ont-ils jamais lu Single & Single ou Le Tailleur de Panama... Qu'importe.
Attendu qu'il convient de garder tout cela à l'esprit avant de lire ce qui suit - et que j'aime, j'admire, je vénère presque John Le Carré - : Le chant de la mission est un livre mineur.
La même critique de L'Express nous explique que "dès les premières pages, le savoir-faire de le Carré saisit le lecteur." Et c'est ma propre réserve : bien construit, clair - trop clair, trop apparent, la qualité, la densité du réel s'en trouve altérée.
Dans de nombreux ouvrages, l'auteur donner à lire, à voir, la vie - nul doute que Karla, Ted Mundy ou Justin existent, vivent, respirent. Pas de construction intelligible, si savante fut-elle, juste une relation de leur réalité, de la réalité humaine du monde, de notre monde. "Pas de ficelles", disait Carver. Pas de ficelles... Or, dans Le chant de la mission, tout tombe trop bien, à l'image de l'histoire d'amour entre Hannah et Salvo. Et si le dernier chapitre éclaire l'ouvrage, le rehausse, il n'en reste pas moins que c'est un livre mineur. Bien loin des deux précédents, La constance du jardinier et Une Amitié absolue... Plus proche de La maison Russie. Dommage.
PS : à écouter la chronique de Jacques Attali sur Europe 1 d'aujourd'hui - c'est le sujet du livre...