Rue 89
Il y a quelques semaines, j'ai lu un article dans Courrier International expliquant que de nombreuses signatures de la presse écrite américaine partaient vers des journaux en lignes - ou plus exactement, que ces journalistes trouvaient une sorte de régénérescence sur la toile : moins de pressions commerciales (annonceurs, objectifs de vente et de rentabilité), moins de hiérarchie (chef de rubriques, rédacteur en chef adjoint, rédacteur en chef, directeur de la rédaction adjoint, directeur de la rédaction, directeur de la publication...), plus de profondeur dans l'analyse, plus de liberté (être court, être long, varier les sujets et les modes d'expression), etc. En somme, ces journalistes voient dans l'internet l'occasion de revenir au fondamentaux de leur métiers : informer, et non plus reproduire.
Les nouvelles technologies permettent une réactivité plus grande, une diffusion plus légère et donc moins couteuse - et (presque) une symbiose avec son lectorat. Je suis un lecteur de journaux : qu'est-ce que je recherche sur le net en plus ? La qualité de l'information : densité, exhaustivité et rigueur. Tout simplement. Ou bien, l'expression d'une opinion
que j'estime devoir être entendue, (à tort ou à raison, peu importe) même si parfois elle m'exapère, même si parfois je ne suis pas d'accord. Dans le fouilli du net, Google est un repère ; Wikipédia, une encyclopédie. Mais la relation quotidienne du monde reste encore à définir. Je lis donc la presse - plus que beaucoup et moins que je le devrais. Mais, même si je suis un lecteur divers, je ressens comme un manque, une dispersion d'attention également. Je vais prendre un exemple de mes attentes.
Ici même, il y a quelque mois, j'avais mis en lien des articles sur la Coré du Nord, parue sur le site Telos. Or, l'explication se trouve aujourd'hui confirmée par l'actualité. Je veux qu'on me donne à comprendre, à être plus intelligent. Un jour j'ai demandé à mon père à quoi servait la culture. Il me répondit : à éviter de dire des conneries. Je rajouterai : à éviter d'en penser aussi. Et devant notre propre profusion de stupidité, nous se sommes jamais rassasiés. Je ne crois pas au citoyen expert ni à l'intelligence collective. Je pense que le métier de journaliste est l'un des plus beaux qui soient, qui, bien qu'humain (avec toute ce que cela présuppose d'imperfection, de parialité, etc. etc.), mais qu'on espère sincère et honnete, apporte de façon professionnelle (il est payé pour cela) une transmission.
Suite au départ de beaucoup de Libération, des journalistes envisagent de créer ce site informatif. Extrait: "Les journalistes sont-ils "paniqués" par l'Internet comme le suggère une citation à la fin de la dépêche? Pour notre part, c'est l'inverse. Nous ressentons un immense enthousiasme au début de cette aventure: créer un média 100% Internet, utilisant le réseau comme un moyen d'enrichir et de renouveler le journalisme."
Je pense qu'un renouvellement du journalisme est économiquement viable (par le biais de l'abonnement, mais aussi par les nouveaux process de publicité par le net). Le public est certes plus restreint que celui de Mimi-Ange Gardien, mais ce lectorat recherche effectivement un renouvellement.
'Renouvellement ?' A mon sens, il s'agit plus exactement d'un sain retour aux fondementaux. Le journaliste est devenu média, et il a oublié de rester médium. Nous parlons de quatrième pouvoir et non plus de contre-pouvoir. Le pouvoir se conquiert, se garde, se conserve. Il est en lui-même le but à atteindre.
Les journalistes du Canard Enchainé sont (parait-il) les mieux payés de la place de Paris. C'est également le plus indépendant des journaux - ne vivant que de sa vente en kiosque et de ses abonnements, affectant ses bénéfices aux réserves financières du journal. C'est aussi l'un des mieux informé. C'est un exemple à suivre dans son objectif : du journalisme. Point.
Depuis ma lecture de l'article de Courrier International, j'espèrais pouvoir lire cela en France. J'espère qu'ils ne nous décevrons pas.
1 commentaire:
Bonjour Michel,
Bravo pour ce coup de gueule et cette analyse. Je partage complètement votre avis : le net va être un vecteur nouveau d'expression pour un discours journalistique renouvelé.
Vous citiez Telos, Rue 89, je ne peux que vous encourager à aller voir le magazine européen cafebabel.com. (www.cafebabel.com).
Je pense que vous allez aimer!
Alexandre
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