mardi 25 mars 2008

En deux mots, s'il vous plait...

A une éditrice qui me demandait si j'aimais être juré du Prix des Lecteurs, je lui répondait "non". Surprise, elle me demanda pourquoi : "Parce que ça me contraint à lire des livres, et que si c'est une expérience pour moi extra-ordinaire (en deux mots, s'il vous plait), je la conçois comme devant la rester." S'il y a certes des rencontres formidables que je n'aurais pas faites, reste cependant l'obligation - certes douce, agréable et volontaire...

Je ressens aussi l'obligation morale de lire les livres que le Littéraire m'envoie... Mais à
un moment, il faut s'arrêter de lire, pour "oser écrire" - oui, oser est bien le mot. L'achat de livres grève mon budget, mon temps et mon énergie que parfois je suis capable de rien faire d'une force... Et pourtant, le fait de dépenser me donne le droit de ne pas lire, de prendre pour moi le risque d'être déçu, et de ne pas poursuivre. J'en viens à être content de n'avoir à répondre à personne si ce n'est à moi-même. Et çà me va.

Aujourd'hui, j'ai acheté (rubrique bouquins):

- Tractatus logico-philosophicus, de Ludwing Wittgenstein (Gallimard).

- La pesanteur et la grâce (Pocket), ainsi que les Œuvres rassemblées dans la collection Quarto (Gallimard), de Simone Weil.

- Histoire universelle de la destruction des livres, de Fernando Baèz (Fayard).

- et San Quentin Jazz band, de Pierre Briançon (Grasset).


Une de mes scènes de cinéma préférée représente Robin, une sculpture de Camille Claudel dans les mains. Il se demande : "Qu'a-t-elle ce que moi, Rodin, je n'ai pas ?". Je révise mes nouvelles - et peut-être est-ce la seule vraie question qui me hante, moi qui ne suis ni Rodin, ni Camille Claudel...


dimanche 23 mars 2008

Les 1001 vies de Billy Milligan, de Daniel Keyes




Sur ce lien, l'article écrit pour le Littéraire.com sur le livre de Daniel Keyes, Les 1001 vies de Billy Milligan.

samedi 22 mars 2008

Formation, de Pierre Guyotat


Il est des livres que nous sentons - plus sensiblement qu’avec raison - que la littérature, c’est çà. Mais bien souvent, ces ouvrages nous sont inaccessibles. « Ils sont plus forts que nous » disait Daniel Pennac. Ou trop loin, trop intelligents, trop hauts. Trop différents, peut-être. Comme Ascension de John Coltrane, Formation de Pierre Guyotat déroute. Un seul mot vient à l’esprit : dissonance. « Je l’ai écrit (…) à l’indicatif présent. Les sentiments, les interrogations, les pensées sont d’un enfant (…) – les idées, les convictions, les tourments qui s’y manifestent sont ceux de son entourage, de son temps, dans ses lieux. » Mais l’homme qu’il est aujourd’hui parle simultanément avec l’enfant qu’il était. Entre deux émois d’une sexualité naissante, entre deux scènes de la vie familiale, Pierre Guyotat décrit aussi les idées, les convictions, les évènements, les sentiments, les actions, dans une perspective et une analyse inconnue à l’époque (rafles, Camps, actions de tel ou tel personnage historique…). Ce livre est un ensemble où le présent se confond avec des flash-back et des flashforward permanents, presque d’une phrase à l’autre, d’un paragraphe – son ‘présent de l’indicatif’ contracte le temps. Le passé, le présent, le futur antérieur, se chevauchent, s’amoncellent, ce fusionnent et s’enchaînent - créent le chaos. La dissonance. Comme le free-jazz nous fait apprécier le silence tout en nous emportant dans des contrées inconnues et fatales, Formation est un livre troublant, un conflit intérieur transmis à nous lecteur. De la littérature, pure.